En dépit des mesures préventives et des campagnes de sensibilisation, la sinistralité routière ne cesse d’augmenter. Le phénomène a atteint des seuils inquiétants, impactant de facto les résultats des compagnies d’assurances. Les professionnels du secteur investissent de nouvelles pistes pour limiter cette expansion effrayante.
Que faire devant la montée en puissance des accidents de la circulation ? Ce problème n’implique pas seulement le gouvernement mais aussi les assureurs dont l’activité devient fortement pénalisée. Dernièrement, les opérateurs du secteur sont montés au créneau, invitant les autorités concernées à prendre les mesures nécessaires. Certains ont évoqué également une possible hausse de la tarification pour combler le manque à gagner.
Interrogé à ce sujet, Younes Saih, expert en automobile, a apporté quelques éléments de réponse pour comprendre le phénomène. «Le manque de civisme et de responsabilité chez les usagers de la route est un facteur important mais il n’explique pas tout. Il faut noter aussi la forte concentration du parc dans les grandes villes, l’état mécanique défectueux de certains véhicules et les infrastructures routières parfois défaillantes», affirme-t-il.

La sinistralité est devenue une problématique de grande ampleur. Il est question d’investir de nouvelles solutions plus innovantes impliquant toutes les parties concernées notamment les autorités, les professionnels et les usagers de la route. Regroupés au sein de la Fédération marocaine des sociétés d’assurances et de réassurance (FMSAR), les compagnies ont lancé une étude pour comprendre les causes de cette hécatombe d’autant qu’en l’absence de mesures préventives et de lutte, des risques majeurs planent sur le secteur dans sa globalité.Preuves à l’appui, les assureurs soulignent que la charge globale des prestations relatives à l’assurance responsabilité civile (RC) automobile et les autres garanties annexes ont augmenté de 14%, avec une hausse de 25% concernant la charge des prestations afférentes aux garanties annexes.
Lors de la présentation de leurs résultats annuels, plusieurs compagnies ont affiché une profitabilité en net repli à cause de la branche automobile. La dégradation récente de ce segment les a amenées à prendre plusieurs mesures, à partir de cette année, pour enrayer la tendance et redresser la rentabilité technique de cette branche. Ces mesures sont nombreuses : certaines, dites de place, impliquent toutes les compagnies. Il s’agit par exemple de la modification de la convention d’indemnisation directe en auto (CID). Concrètement, le recours forfaitaire pour les dossiers inférieurs à 20 000 DH sera abandonné. Chaque compagnie prendra en charge l’indemnisation de ses assurés non responsables ou partiellement responsables.
Quant aux dossiers supérieurs à 20 000 DH, les modalités de la convention seront modifiées par l’enrichissement du barème de la responsabilité et par l’unification du barème des valeurs vénales et vétustés. Les assureurs de la place comptent également renforcer le dispositif de lutte anti-fraude, avec la montée en puissance d’un extranet sinistre au niveau du marché mis en place fin 2018.
Cette plateforme d’échange des sinistres permettra aux gestionnaires au niveau des compagnies de consulter la situation des assurés afin de détecter les cas éventuels de fraude. C’est une sorte de centrale des risques pour le secteur. Parallèlement, un dispositif de détection de la multi-assurance a été mis en place, pour que l’intermédiaire puisse être informé au moment de la souscription d’une nouvelle couverture d’assurance automobile. En fonction de ces spécificités, chaque compagnie doit prendre les mesures qui répondent le plus à ses besoins. A cet égard, elles doivent personnaliser leur stratégie pour redresser la rentabilité technique.
«Nous n’avons pas le même profil de risque ni les mêmes portefeuilles. Certains assurent des flottes, d’autres se positionnent sur le haut de gamme. Chacun placera le curseur en fonction de ses contraintes. Mais le marché est d’ores et déjà sensibilisé», a indiqué récemment Ramsès Arroub, PDG de Wafa Assurance.

Des chiffres fortement inquiétants
Les statistiques de l’année 2018 concernant les accidents de la circulation sont loin des objectifs du gouvernement qui ambitionnait de limiter les sinistres à moins de 4% par rapport à 2017. Au cours de la même année, 93 133 accidents ont été enregistrés, soit une hausse de 6,82%. Les accidents mortels ont culminé à 295, soit une croissance de 26,61%. Le nombre de tués est resté quasi stagnant à 3 485. Mais le mois de décembre a été particulièrement très meurtrier avec 339 décès, soit une progression de près de 34%. Le nombre de blessés graves est passé à 717, soit une hausse de 16,78% par rapport à l’année dernière.