Détenu au Japon depuis le 19 novembre dernier et au moins jusqu’au 10 mars prochain pour de sombres affaires de fraude fiscale et d’abus de bien sociaux, Carlos Ghosn a vu les entreprises qu’il dirigeait lui tourner le dos une à une. Dernière en date, Renault, qui, par respect pour le principe de la présomption d’innocence, laissait venir jusqu’alors. La firme au Losange a perdu patience et devrait nommer incessamment un nouveau taulier.
Renault a finalement tourné à son tour la page Carlos Ghosn ! Tandis que les deux autres membres de l’Alliance, Nissan et Mitsubishi, avaient évacué le problème sans états d’âme, peu après le déclenchement, le 19 novembre dernier au Japon, de la procédure judiciaire menée à l’encontre du président de leur conseil d’administration, le constructeur français maintenait sa confiance à son PDG, par respect du principe de la présomption d’innocence. En attendant que la lumière soit faite dans cette affaire judiciaire, Renault avait mis en place une direction provisoire, composée de Thierry Bolloré, jusqu’alors DG adjoint du groupe Renault, et de Phillipe Lagayette, administrateur de diverses entreprises cotées au CAC 40.
Cependant, l’annonce, le 15 janvier dernier, du rejet de la demande de libération sous caution de Carlos Ghosn a mis à mal ce fragile équilibre, a finalement eu raison de la patience et des bons sentiments de l’Etat français. Il faut dire que l’embastillement de l’industriel libano-brésilo-français devrait se prolonger au moins jusqu’au 10 mars prochain.
«L’Etat, comme actionnaire de référence, souhaite la convocation du conseil d’administration de Renault dans les prochains jours», a indiqué, le 16 janvier au micro de la chaîne LCI, le ministre de l’Economie français, Bruno le Maire. Et d’ajouter : «J‘ai toujours indiqué, en rappelant la présomption d’innocence de Carlos Ghosn, que s’il devait être durablement empêché, nous devrions passer à une nouvelle étape. Nous y sommes. Dans cette nouvelle étape, nous avons besoin maintenant d’une nouvelle gouvernance pérenne pour Renault».
Drive the Future… proche
Le lendemain, c’est-à-dire le 17, veille de l’annonce, à Boulogne-Billancourt, des résultats commerciaux de Renault à l’échelle planétaire, la firme réagissait à son tour, dégainant un communiqué succinct aux allures de nécrologie, d’avis de dégé… euh… de décès : «Philippe Lagayette, administrateur référent de Renault, et Patrick Thomas, président du comité des nominations et de la gouvernance, confirment que les organes de gouvernance de Renault travaillent activement à la recherche de la meilleure solution pour la gouvernance future du groupe. […] Le conseil d’administration prendra les décisions qui s’imposent dès que les éléments nécessaires seront réunis».
Comme dirait l’autre, «on s’autorise à penser dans les milieux autorisés» que le dit conseil d’administration sera convoqué et tenu avant la fin de cette semaine, que la direction devrait être confiée à un binôme et que le nouveau patron de Renault sera le candidat de Bercy. Détenant 15% du capital de Renault, mais surtout deux sièges au conseil d’administration, l’Etat est en mesure de dicter ses desiderata. Jean-Dominique Senard, boss actuel de Michelin, est pressenti pour le poste de président, tandis que l’actuel directeur général par intérim, Thierry Bolloré, devrait être confirmé dans ses fonctions.