Benacer Boulaajoul : La NARSA a lancé un ambitieux plan triennal 2020-2022

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L’Agence nationale de sécurité routière (NARSA) prépare tout un programme basé sur 9 axes majeurs. Elle a renforcé ses ressources humaines et matérielles pour s’acquitter de ses ambitions.

Autonews : Vous êtes à la tête de l’Agence nationale de la sécurité routière, qui remplace le CNPAC. Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs la différence entre ces deux institutions dédiées à la lutte contre les accidents de la circulation ?

Benacer Boulaajoul : Après quarante-deux années d’existence du Comité national de prévention des accidents de la circulation (CNPAC), l’heure du changement est arrivée. Plus de quatre décennies durant, le CNPAC a capitalisé une expérience considérable dans le domaine de la prévention et de la sécurité routière ainsi que dans les différentes missions qui lui ont été dévolues, notamment en matière de communication, de sensibilisation et des études & recherches.

Ces attributions ont été assumées avec dévouement et abnégation au fil de toutes ces années de la part des femmes et des hommes qui se sont succédé dans la gestion et l’exercice des activités du CNPAC. Bien qu’avec des attributions limitées, le Comité a réussi à être une force de propositions auprès des pouvoirs publics et un acteur-clé dans la conception et la mise en œuvre des politiques nationales dans le domaine de la sécurité routière.

Dès le début de cette année 2020, une nouvelle institution publique créée par la loi 103.14 a vu le jour : l’Agence nationale de la sécurité routière (NARSA). Il s’agit d’une étape historique dans le management institutionnel de la sécurité routière dans notre pays, dans la mesure où la NARSA gérera tous les métiers liés à la sécurité routière. A travers les missions dûment précisées dans la loi précitée au lieu de celles confiées au CNPAC dans un décret uniquement, l’objectif visé par le gouvernement est double : améliorer les conditions de la sécurité routière et améliorer la qualité des services rendus à l’usager.

Ainsi, l’agence est appelée à exercer les pouvoirs liés à la sécurité routière, en contribuant à l’élaboration et à la mise en œuvre des stratégies et des projets de textes législatifs et réglementaires. L’Agence développe également des programmes d’enseignement de la conduite, les examens pour l’obtention des permis de conduire, le contrôle et l’homologation des véhicules, l’accréditation des établissements de formation initiale et continue à la conduite et des centres de contrôle technique des véhicules.

La NARSA veille au suivi technique et à la gestion du système de contrôle automatisé des infractions et aux équipements liés au contrôle routier. Elle peut engager, dans le cadre de partenariat et de coopération, la mise en œuvre de projets liés à l’amélioration de la sécurité routière, au soutien, à l’appui et au développement d’études et de recherches scientifiques. L’Agence organise également des opérations de sensibilisation, de communication et d’accompagnement, et élabore des plans et programmes pour l’éducation routière. La NARSA assure aussi le développement d’un système complet et intégré de collecte de données relatives aux accidents de la circulation.

Autonews : Quelles sont les grandes lignes du premier Plan triennal de l’Agence nationale de sécurité routière ?

B.B. : Le plan triennal de la NARSA 2020-2022 tourne autour de 9 axes :

1 – La mise en place des mécanismes de bonne gouvernance pour l’agence;

2 – La poursuite du déploiement de ses structures au niveau central, régional et local;

3 – La mise à niveau et l’amélioration des différents services rendus par l’agence;

4 – Le développement des systèmes d’information;

5 – L’ouverture aux technologies modernes et encouragement de la recherche scientifique ainsi que le développement de l’expertise;

6 –  Investissement dans l’éducation des générations futures;

7 – Ouverture sur les partenaires et les professionnels;

8 – Accompagnement des communes et collectivités locales afin d’améliorer la qualité des infrastructures et de leurs aménagements;

9 – Communication et sensibilisation.

Autonews :  Les objectifs en termes d’accidents de la circulation assignés au CNPAC à horizon 2026 sont-ils toujours en vigueur ?

B.B. : Les objectifs de la Stratégie nationale de la sécurité routière 2017-2026 sont des objectifs nationaux. Ainsi, la stratégie ne se rapporte pas à une seule organisation et le CNPAC était l’un de ses acteurs concernés par l’implémentation de cette stratégie. Dans la nouvelle configuration du management institutionnel de la sécurité routière, la NARSA est un acteur clé de cette stratégie, mais elle n’est pas la seule. D’autres départements sont également concernés par cette stratégie, comme les Corps de contrôle, les ministères de l’Education, de la Santé, de la Justice, de l’Habitat, des Finances, de l’Intérieur et d’autres acteurs, sans oublier les professionnels et la société civile.

Par ailleurs, il convient de préciser que la sécurité routière est érigée aujourd’hui en politique publique. Pour toute nouvelle stratégie dans ce domaine, la NARSA sera appelée à contribuer à son élaboration, mais elle sera portée par le Gouvernement à travers le ministère de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau. En somme, les objectifs de la Stratégie nationale de la sécurité routière en vigueur sont opposables à l’ensemble des acteurs concernés y compris la NARSA.

Autonews : Avec le confinement et l’état d’urgence sanitaire, les accidents de la circulation ont considérablement baissé. Ne craignez-vous pas une recrudescence des accidents après le déconfinement ? Comment s’y préparer ?

B.B. : Dans la situation de crise sanitaire que nous vivons actuellement, et avec les restrictions liées aux déplacements des citoyens mises en place par les pouvoirs publics pour les protéger contre cette pandémie de Covid-19, le trafic routier a baissé d’une manière considérable en milieu urbain comme sur le réseau routier en rase campagne, notamment à partir du 20 mars 2020. Cette baisse drastique de la mobilité a eu un impact direct sur le risque d’accidents et, par conséquent, sur le bilan des accidents et des victimes.

Ce constat est universel et ne concerne pas uniquement que le Maroc. Scientifiquement parlant, le risque d’accident est fortement corrélé au trafic et à la circulation routière. Un parc automobile aussi important soit-il, s’il ne se déplace pas, il est normal qu’il ne va générer aucun risque d’accident. Les statistiques provisoires du mois de mars 2020 comparées à mars 2019 font ressortir une diminution de 31,28% dans le nombre des accidents corporels, une baisse de 39,93% dans le nombre de tués et un fléchissement de 44,24% dans le nombre de blessés graves.

En outre, le bilan provisoire au titre des trois premiers mois de l’année 2020, en comparaison avec les données provisoires des trois premiers mois de l’année 2019, se présente comme suit : une diminution de 6,61% des accidents de la circulation, un fléchissement de 19,98% des tués et une baisse de 20,12% des blessés graves. La comparaison du bilan provisoire de la période allant du 20 au 31 mars 2020, avec la même période de l’année 2019, fait ressortir des baisses spectaculaires :

  • Une diminution de 80,05% du nombre des accidents corporels;
  • Une réduction de 76,09% du nombre des tués;
  • Une baisse de 82,55% du nombre des blessés graves;
  • Une diminution de 79,90% du nombres des blessés légers.

Cependant, il est certain que la reprise de l’activité de façon normale dans notre pays après cette période de confinement que nous espérons aussi courte que possible, aura un impact sur la hausse de la mobilité et, par conséquent, sur le risque d’accident.

Consciente de la spécificité de cette conjoncture, et afin de capitaliser sur ce nombre important de vies épargnées sur les routes, la NARSA prépare à cet égard un plan de communication dédié à la période post-confinement où la vigilance doit être de mise plus que jamais. Il s’agit d’un plan de communication intégrée déployant un arsenal de supports média, digitaux, conjugués à des actions de proximité avec les usagers de la route. Par ailleurs, il est à signaler également qu’une bonne partie des services gérés par la NARSA sont actuellement à l’arrêt, comme les examens de permis de conduire et le contrôle technique des véhicules.

Après ce confinement, nous nous attendons à une affluence massive des usagers vers nos locaux et vers les professionnels qui gèrent des services au nom de la NARSA. Un plan de reprise est en cours de finalisation et sera présenté à Monsieur le ministre de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau pour validation avant sa mise en œuvre qui, par la même occasion, accorde une importance capitale à ce dossier et assure un suivi régulier et de très près.

Le souci majeur pour nous après le confinement est d’assurer la sécurité et la protection de notre personnel et des citoyens usagers de nos services. Le plan proposé couvre tous les leviers potentiels pour assurer cette sécurité, et ce à travers des mesures d’hygiène, des processus de mobilité au sein de nos locaux et de gestion des flux tout en respectant les mesures de distanciation préconisées par les pouvoirs publics.